mardi 6 décembre 2016

Quintet (1979)

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Quintet (1979)

Le chasseur Essex arrive accompagnée de sa jeune compagne enceinte dans une ville-labyrinthe où vit sa famille qu'il n'a pas revu depuis des années. Les habitants passent leur temps à jouer au jeu incompréhensible du quintet pendant qu'autour d'eux manigance un démiurge qui en modifie les règles selon les circonstances... Partout la mort rode et le but du jeu semble être de rester en vie..
Un mot rapide sur ce film très peu connu alors qu'il a tout pour plaire sur le papier. Imaginez un peu, un scénario post-apocalyptique à l'atmosphère glaciale, une réalisation signée Robert Altman, un casting 4 étoiles avec autour de Paul Newman les stars européennes Brigitte Fossey (!), Vittorio Gassman, Bibi Andersson, Fernando Rey.
Et pourtant le résultat est un film à l’encéphalogramme plat, à l'exact opposé de son contemporain L'empire contre-attaque, dans lequel Newman semble totalement perdu, Fossey n'a pas le temps d'exister et Vittorio Gassman est un personnage illuminé et grotesque, la faute à un scénario abscons et limité et à des dialogues ridicules. Le tout filmé comme un rêve désespéré (dans cette cité, le mot "ami" a été remplacé par le mot "alliance"!) et brumeux (le bord de l'image est constamment flou, on croirait voir un énorme flashback de 2h). Pourtant l'arrivée depuis l'immensité enneigée, laissait espérer à tort une sorte de Mad Max polaire. Mais c'est une fable morbide, prétentieuse et cynique n'inspirant qu'ennui et déception à laquelle on aura droit.



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Il est de retour / Er is wieder da (David Wnendt, 2015)

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Sous des allures de comédie (à ce titre il y a des passages très drôles), cette satire qui fait froid dans le dos impressionne par sa très grande liberté de ton. A ce titre, les allemands donnent une leçon de comédie grinçante.
Le film qui commence un peu comme Les visiteurs, se poursuit comme un dialogue entre le vrai Hitler et le peuple allemand.


"Je serai toujours en toi" dit Hitler et il a probablement raison. Dans sa dernière partie, la mise en abyme est glaçante, on voit le film dans le film être réalisé, Hitler faire le tour des plateaux de télé et hypnotiser le public, les réseaux sociaux s'activer ("le pire c'est qu'il a raison"). De fait, le propos réussit à aller au-delà du cas particulier allemand, ce que ne manque pas d'illustrer le générique de fin avec des images de différents leaders d'extrême droite actuels dont Marine Le Pen. D'ailleurs, en dépit de sa situation économique enviable, les problèmes allemands semblent très proches de ce qui se passe en France. Et encore, le film a été réalisé en 2014, avant la crise migratoire, avant la Saint-Sylvestre 2015.

"Dérangeant" c'est le mot parce qu'on a pas forcement envie de se marrer en voyant l'affiche (heureusement qu'il y a le petit chien pour dire que c'est une comédie qui commence comme une version allemande des Visiteurs et qui se poursuit un peu à la façon de Borat, dressant au passage un portrait peu flatteur de l'Allemagne et souvent glaçant).

A noter un joli clin d’œil à notre fufu national :

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The Dark Valley (Andreas Prochaska, 2014)

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The Dark Valley (Andreas Prochaska, 2014)

Avec : Sam Riley, Paula Beer, Tobias Moretti

Fin du XIXe siècle. Un cavalier solitaire arrive dans un petit village de montagne perdu au fond d'une vallée des Alpes autrichiennes. Le genre d'endroit où l'étranger n'est pas le bienvenu, surtout quand il s'agit d'un jeune Américain nommé Greider qui souhaite y passer l'hiver pour, prétend-il, immortaliser les habitants avec son drôle d'appareil, ce « miroir doté d'une mémoire ». Petit à petit, on découvre que le photographe a d'autres intentions, moins humanistes, et qu'il est lui aussi doté d'une mémoire...

Présenté à l’avant-première du Festival international du film de Berlin 2014, The Dark Valley (titre original, Das Finstere Tal) est un western austro-allemand qui je crois n'est jamais sorti dans les salles françaises comme cela devient la norme desormais (surtout lorsque comme ici il n'y a même pas de star pour vendre le film). Ce n'est pas un western au sens strict du mot puisque l'action se déroule entièrement dans les Alpes, bien loin de l'Ouest américain. Et pourtant, sur le fond, le scénario est du archi-vu et revu, notamment chez Clint Eastwood (Pale rider, etc) ou Leone (Il était une fois dans l'Ouest) : une vengeance, une communauté isolée sous le joug d'une famille tout puissante. En revanche, la mise en scène est formidable, originale et les partis pris audacieux (musique rock, cadrages inspirés, réalisme des scènes d'action). Les décors sont extrêmement bien utilisés et participent d'une ambiance noire et opressante.
A noter une scène de bûcheronnage précédant les premiers actes de violence sèche qui m'a rappelé Le clan des irréductibles de Paul Newman.
Sorti il y a deux ans seulement, Paula Beer semble vraiment toute jeune dans ce film et bien loin de Frantz. Sam Riley sobre mais crédible une carabine à la main dans la séquence finale réaliste et crispante.

In a Valley of Violence (2016)



In a Valley of Violence (2016)


Voici peut-être venu une nouvelle ère du western. Ça pourrait s'appeler le western post-Tarantino, faisant la synthèse du western classique, du cool référencé et d'une mise en scène audacieuse.
On trouve tout cela dès le superbe générique d'introduction, très graphique, rythmé par une excellente B.O. façon western spaghetti et Morricone. Il y a aussi cette violence distillée avec un ton décalé, à la manière des meilleurs Tarantino ou de Sam Raimi (The quick and the dead).

Lorsque Paul (Ethan Hawks) prend le risque de venir avec sa chienne Abbie s'approvisionner dans la ville fantôme de Danton sous la coupe du marshall John Travolta et de son fils fauteur de trouble Gilly, on sait que ça va mal tourner.. Et pourtant rien ne se passera tout à fait comme prévu à l'heure de la vengeance.

Cela faisait longtemps qu'un western ne m'avait pas autant surpris dans son traitement. Il y a même des choses que je n'avais encore jamais vu dans le genre. A commencer par le personnage joué par Ethan Hawk qui derrière son physique fragile apparait comme un vrai dur sans pitié pouvant rivaliser avec le Eastwood d'Impitoyable. C'est vraiment la très bonne nouvelle de l'année que cette nouvelle incursion de l'acteur dans le western, lui qui était la seule réussite de l'insupportable 7 mercenaires 2016. On pourrait même s'avancer et dire qu'il y a un peu de James Stewart dans cet Ethan là. Sa confrontation avec John Travolta (un peu Vincent Vega vieillissant, mais pas mal du tout, s'étant fait un look et un accent de l'ouest pour l'occasion) ne se passera pas non plus comme on pouvait l'attendre. Au casting féminin, Karen Gillan et Taissa Farmiga dont la jeunesse brouille également les cartes. Ah, j'oubliais, le chien est excellent aussi!

Si la photographie est plutôt quelconque, la mise en scène elle est constamment inventive et surprenante, distillant ainsi une tension permanente jusqu'au bout.

Bref, je recommande chaudement.
Le western est bel et bien de retour !

jeudi 24 novembre 2016

Sauf le respect que je vous dois (2005)





La quarantaine, François Durrieux vit à Nantes avec son épouse, Clémence, et leur fils unique, Benjamin. Cadre supérieur dans une imprimerie locale, il se soumet sans broncher au rythme de travail soutenu imposé par le directeur, Dominique Brunner. Son ami Simon Lacaze, qui refuse de sacrifier sa vie privée, est d'ailleurs le seul employé à oser s'opposer à certaines des directives patronales...

Sauf le respect que je vous dois (titre d'une chanson de Georges Brassens), réalisé par Fabienne Godet est une œuvre un peu oubliée ou même passée un peu inaperçue à l'époque de sa sortie (2005, aucun souvenir pour ma part) alors qu'il bénéficie d'un très beau casting (Gourmet, Cotillard qui n'avaient certes pas la cote d'amour qu'ils ont aujourd'hui + Depardieu Julie et Dominique Blanc).
Il s'agit pourtant d'une représentation soignée et juste du monde violent (et parfois pervers) des petites entreprises, dans la veine du cinéma social des Dardenne et Stephane Brizé et monté comme un thriller de Pierre Jolivet (Jamais de la vie, encore avec Olivier Gourmet). Sans chichi de mise en scène, Sauf le respect que je vous dois est à l'opposé du totalement raté Carole Mathieu d'Isabelle Adjani sorti la semaine dernière et avec lequel il partage un sujet équivalent (le burn-out et la pression en entreprise). Les deux films virent à la tragédie mais le film de Fabienne Godet n'en rajoute jamais, il est plus subtile, et s'appuie sur de vrais personnages nuancés et non des caricatures.
Si le personnage de Marion Cotillard est un peu superflu (et on voit pour l'occasion l'énorme évolution de son niveau de jeu depuis 10 ans), tous les autres jusqu'aux petits rôles (notamment l'excellent Jean-Marie Winling et sa voix atypique) sont à l'unisson pour rendre réalistes cette entreprise.

Pas un grand film certes, plutôt un très bon téléfilm.

samedi 2 juillet 2016

The Tip-Off (1931, avec Ginger Rogers)

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The Tip-Off (1931)

Voici une charmante petite comédie criminelle RKO Pictures que ce Tip-off dirigé par Albert S. Rogell (The black cat). Ginger Rogers (Baby Face, la fiancée d'un truand) y tient l'un de ses premiers rôles mais c'est déjà (probablement pour la première fois dans un rôle substantielle) la Ginger que l'on connait, au caractère bien trempé, gentille (parfois), sexy aussi (le premier plan sur elle est un travelling vertical remontant le long de ses jambes alors qu'elle est en sous-vêtements, oui c'est un Pre-Code et pourtant plus tard on découvrira à la faveur d'un réveil que les hommes ont dormi dans le même lit et les femmes entre elles), mais qu'il ne faut pas emmerder. Son jeu et ses attitudes sont déjà là, seule sa voix m'a semblé bien plus aiguë que dans ses films ultérieurs.

Mais ce sont les deux stars masculines qui apparaissent au-dessus du titre: Eddie Quillan et Robert Armstrong. Eddie Quillan m'a fait l'effet d'un Mickey Rooney avant l'heure, avec un petit quelque-chose de Danny Kaye.
La fragile Joan Peers est le second atout charme du film, une actrice qui étrangement ne fit pas carrière au-delà de 1931. Elle est pourtant très juste, faisant oublier Ginger dans la seconde partie du film.

Eddie Quillan est un réparateur radio qui se retrouve à la faveur d'une réparation par hasard dans la chambre de la petite amie (Ginger Rogers) d'un caïd (Robert Armstrong), boxeur et un peu gangster sur les bords.
Évitant de peu la catastrophe en se cachant sous le lit de la demoiselle, puis cherchant à fuir celle-ci pour ne pas avoir d'ennuis, il tombe amoureux de la fiancée d'un second gangster, rival du premier. Par son astuce, il devient finalement ami avec le premier qui l'aidera par la suite à extirper la fiancée (Joan Peers) in extremis d'un mauvais mariage..

Eddie Quillan eut une belle et longue carrière surtout en tant que second rôle au cinéma puis en guest star à la télévision.




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Roadies (2016, série TV de Cameron Crowe)

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Roadies (2016, série TV de Cameron Crowe)

C'est parti pour la série de Cameron Crowe, narrant la vie des roadies qui permettent aux groupes (de rock en l’occurrence, forcement) de jouer chaque soir sur scène. C'est la vie du groupe derrière le groupe.
Doté d'un casting solide avec Luke Wilson (frère de) et Carla Gugino et surtout la piquante Imogen Poots (qu'on a beaucoup apprécié dans le dernier film de Bogdanovich), le pilote s'avère pourtant peu accrocheur et laborieux, faute de véritable intrigue, jusqu'à son dernier quart d'heure.
Après Nashville et Vinyl (qui n'ira pas au-delà de la saison 1 d'ailleurs), c'est donc une nouvelle série sur le monde de la musique, contemporaine cette fois (pour ne pas faire trop redite avec Almost Famous ? on y retrouve néanmoins une partie de l'univers - le backstage, les hotels, le bus - et beaucoup de références commune, de Lynyrd Skynyrd à Bob Dylan, et quelques clins d’œil).
Le duo Carla Gugino/Luke Wilson est pourtant prometteur pour sa rivalité professionnelle et la tension sexuelle sous-jacente (leur duo rappelant en cela quelque-peu le couple mythique d'Abyss Ed Harris · Mary Elizabeth Mastrantonio, passif et divorce en moins).

Et puis arrive le dernier quart d'heure durant lequel on retrouve enfin le Cameron Crowe inspiré qu'on connait et son amour pour les personnages en rupture et l'euphorie procuré par la pop culture. Tout vient du personnage de Nathalie (Jacqueline Byers), groupie nympho-maniaque qui met un peu de feu dans cet épisode qui ronronnait jusque là. Les dernières minutes s'avèrent typiquement "Cameronienes" et les cinéphiles apprécieront le petit montage final d'anthologie qui personnellement m'a fichu un sacré frisson.

Sacré Cameron! Même au bord du ratage, il arrive toujours in extremis à sortir un coup magique de sa manche.

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samedi 7 mai 2016

McFarland, USA (2015)



McFarland, USA (2015)

L’histoire du film s’inspire de la carrière du coach Jim Blanco White, qui a dirigé une équipe athlétique composée de fils d’immigrés, sur 9 championnats en Californie dans les années 1990.

Voici un film qui plaiera aux aficionados de Friday Night lights tant la parenté avec la fameuse série est évidente, à commencer par son sous-texte fort sur la fierté de communautés de laissers pour compte du rêve américain. Costner impose sa personnalité au script et à ce titre son coach White est définitivement plus cool et rempli de doutes que l'immortel coach Taylor incarné par Kyle Chandler qui était davantage brut de fonderie. Au delà de ça, certaines situations rappellent beaucoup celles de la fin de la saison 1 (une opportunité de partir dans un grand club) ou du début de la 4 (monter une équipe en partant de zero) de Friday Night lights.
Après le vélo, le golf, le base-ball à plusieurs reprises, le football américain, Costner semble ne jamais devoir se lasser du genre du film sportif, surtout si le scénario est tiré d'une histoire vraie typiquement américaine et avec une forte resonnance sociale comme c'est le cas ici : celle d'une équipe latino de cross-country de 1987 à McFarland en Californie (le générique de fin nous présentera d'ailleurs les vrais protagonistes, à l'instar de ce qu'avait fait David O.Russell dans The fighter). En l'occurence, le film est intéressant en cet ère Donald Trump, dans la mesure où il nous montre une Amérique encore peu connue de l'extérieur, celle de regions où l'on parle très peu anglais et où la population est constituée à 90% de latinos et majoritairement de travailleurs pauvres. La scène dans laquelle on voit Costner et sa petite famille découvrir ces lieux comme s'il était dans un pays étranger et essayer de commander un plat au restaurant ("on a pas de burger ici amigo") est saisissante. Au delà de ce contexte particulier, il s'agit d'un film de sport balisé mais plein d'espoir faisant l'éloge du coeur et de la persévérance (le personnage de Danny Diaz est emblématique) comme Disney sait les produire (je pense notamment au très bon The rookie / Rêve de champion réalisé par John Lee Hancock en 2002 avec le cousin cinématographique de Costner, Dennis Quaid).
Costner continue son chemin au coeur de l'Amérique contemporaine. Sa filmographie est certainement la plus cohérente, quelque-soit le genre.

Le western n'est pas mort : Forsaken (2015)

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Forsaken (2015)

Après avoir mis de côté son arme et sa réputation de tireur d'élite, John Henry retourne dans sa ville natale afin de resserrer les liens avec son père.

Non le western n'est pas mort, en tous cas aux États-Unis où pratiquement chaque année sont produits (ou co-produits avec le Canada comme c'est le cas ici) des westerns pour le cinéma ou la télévision. En revanche, ce qui est vrai c'est que le genre semble ne plus intéresser que les américains (et quelques cinéphiles étrangers).
Avec Forsaken, le réalisateur Jon Cassar retrouve son acteur vedette de 24 heures chrono et propose un face à face des plus alléchants avec son père Donald Sutherland (jouant un révérend) pour le plus grand plaisir des spectateurs puisque le film brille avant tout pour ses quelques scènes intimistes entre le père et le fils dont un passage vraiment émouvant de contrition dans lequel Kiefer Sutherland démontre si nécessaire qu'il est un très bon acteur aussi.
En prime, le reste du casting n'est pas mal non plus. Brian Cox est le grand propriétaire arriviste typique du genre qui cherche à racheter de force les terres aux habitants d'une petite ville de l'Ouest. Mais y a également Michael Wincott, l'un des meilleurs méchants des années 90 (1492 : Christophe Colomb et le savoureux Guy de Gisbourne de Robin des bois prince des voleurs) ainsi que Demi Moore. A son sujet, je dois dire que cela fait très très plaisir de voir enfin une star quinquagénaire, ex sex-symbol de surcroit, qui tienne la route tant physiquement (elle semble avoir échappé au massacre de la chirurgie esthétique ou au moins avoir su l'utiliser avec intelligence) que par son jeu d'actrice.
La réalisation est correcte et l'histoire conventionnelle mais c'est un petit plaisir que les amateurs de western auraient tort de se priver.

samedi 23 avril 2016

Black or White (2014) - Kevin Costner est toujours le plus grand

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Black or White (2014)

Avec : Kevin Costner, Octavia Spencer, Gillian Jacobs, Anthony Mackie

Elliot Anderson, avocat et veuf, élève sa petite-fille métisse, Eloïse, depuis la mort de sa fille en couches. Alors qu'il essaie de surmonter son chagrin, son univers bascule quand la petite est réclamée par sa grand-mère afro-américaine, Rowena, qui exige qu'elle soit confiée à son père, Reggie, un drogué qu'Elliot tient pour responsable de la mort de sa propre fille. Elliot se retrouve plongé dans une bataille acharnée pour la garde d'Eloïse. Il est prêt à tout pour que la petite ne se retrouve pas livrée à son père, incapable de s'occuper correctement d'elle.

Kevin Costner retrouve son réalisateur de Les bienfaits de la colère (de retour à la réalisation après sept années d’absence) pour produire et jouer dans ce drame judiciaire et familial un peu dans la lignée de Kramer contre Kramer, version grand-parents si je puis-dire. A l'image de la carrière de l'acteur, un film passé totalement inaperçu, même pas distribué en France et pourtant poignant, humble et humaniste, jamais tire-larmes ni manichéen ou gnan-gnan. Bref encore un sans-faute pour la méga-star à l'ancienne Costner. Loin des sommets du box-office (sauf quand il fait une apparition furtive en Glenn Ford de Superman, pour sûr ça doit lui faire plaisir de lui succéder en papa adoptif du plus grand super-héros américain), il semble ne pas se préoccuper ni de son statut ni de son âge tant qu'il peut continuer à produire ou réaliser de bons films américains comme celui-ci. L'acteur, conscient de son âge, ne joue plus autant sur son charme qu'auparavant et exprime une fragilité encore peu connue. L'une des ses interprétations les plus touchantes.

vendredi 22 avril 2016

Take One False Step (1949)

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Take One False Step (1949)

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Réalisation: Chester Erskine
Scenario : Irwin Shaw
Avec : William Powell, Shelley Winters, Marsha Hunt, Dorothy Hart

Take One False Step, ou litteralement "attention aux faux pas" est un film noir qui démarre par un curieux générique, totalement hors sujet, qui annonce une comédie. A se demander si les responsables et les personnes en charge ont vu le film ou même lu le script, ou s'ils se sont simplement arrêté à la lecture du casting : William Powell = comédie ??
C'est pourtant bien d'un thriller dont il s'agit. Le film fait partie de la catégorie des films noirs que j'appelle les jememetsdanslamerdetoutseulaulieudalleralapolice. L'intrigue se déroule quelques années après la fin de la guerre. A la faveur d'un voyage à Los Angeles à la recherche de fonds pour un nouvel établissement, Andrew Gentling/William Powell, un professeur universitaire distingué et bien sous tous rapports rend une visite de courtoisie à une ancienne amie (Shelley Winters, qu'on a rarement vu aussi mince) assidument fréquentée pendant la guerre. Il est fortement suggéré que les deux ont été amants et que leurs trajectoires se sont éloignées par la suite. L'un a tourné la page, s'est fait une situation et s'est marié tandis que l'autre n'a pas évolué et regrette desormais "le bon temps" des années 1942-1945. Après une visite de courtoisie, Powell rejette les avances de Shelley Winter et celle-ci quitte sa voiture et part seule déambuler dans les rues en pleine nuit, emportant avec elle l'écharpe de Powell. Tout en serait resté là si le lendemain il n'apprenait le meurtre de cette dernière. A l'occasion d'une scène avec le doyen de l'université, on comprend qu'on ne rigole pas avec les bonnes moeurs en ces temps d'après guerre. Celui-ci ne tolére aucun écart de ses subordonnées dans leur vie privée qui doit être exemplaire. Ainsi lorsque Powell découvre le meurtre à la une des journaux, il trouve contraint de dissimiler les preuves de sa visite à la victime.. Il faut garder en tête le corsetage de la société américaine de l'époque pour admettre ce point de départ, car évidemment il aurait été tellement plus simple pour Powell de simplement aller s'expliquer à la police.

Dans ce genre (même si les personnages n'ont rien à voir), le Quicksand (1950) de Mickey Rooney était bien plus réussit, néanmoins Take One False Step se suit sans déplaisir en dépit d'un scénario alambiqué et d'une fin bien compliquée pour pas grand chose. en outre, il y a également un manque flagrant d'alchimie entre un Powell plus aussi fringuant que dans ses comédies d'avant guerre et une jeune Shelley Winters. Mais cela s'avère de circonstance puisque les personnages eux-même n'ont justement plus rien en commun, la guerre passée. La présence de Masha Hunt y est pour beaucoup. Elle semble d'ailleurs ne pas être vraiment sortie de son rôle dans Kid glove killer (L'assassin au gant de velours) tant sa dynamique est proche. Elle est l'alliée fidèle qui aide le personnage masculin à se disculper.


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La Vie très privée de Monsieur Sim (2015, de Michel Leclerc)

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La Vie très privée de Monsieur Sim de Michel Leclerc

François Sim, homme solitaire et quinquagénaire divorcé, a pratiquement tout raté dans sa vie : son mariage, sa carrière et à se faire aimer de sa fille. Lors d'un voyage en avion pour aller voir son père, il est ennuyeux à mourir. Ses vacances avec son père se révèlent catastrophiques. A l'aéroport, il rencontre Poppy qui enregistre des bruits d'avion. Des sons qui serviront d'alibi aux hommes mariés volages. François tombe sous le charme de la jeune fille qui ne tarde pas à l'inviter à dîner. Sur place, François rencontre l'oncle de Poppy qui lui raconte l'histoire étrange d'un navigateur anglais qui leurre tout le monde...

Voici peut-être bien la comédie la plus morose de l'année mettant en scène Jean-Pierre Bacri homme dépressif de cinquante ans, fraichement divorcé mais surtout un homme terriblement seul. 
Le film commence d'ailleurs exactement comme Blue Jasmine de Woody Allen : Bacri est dans l'avion et raconte sa vie à son voisin qui n'en a cure. En fait durant tout le film Bacri racontera sa vie à tout ce qui bouge et même à ce qui ne bouge pas, comme son GPS par exemple. 
Jean-Pierre Bacri a été nommé aux Césars pour ce rôle et pourtant c'est loin d'être évident et d'autres auraient bien davantage mérité cette nomination (Benjamin Lavernhe, Olivier Gourmet). Le film n'est pas si long mais il parait parfois très long et morne. Quelques éclaircies viennent pourtant sauver le film de l'ennui : Vimala Pons (pour changer dans un rôle léger et quelque-peu farfelu), Mathieu Amalric (savoureuse scène dans laquelle il prend la defense de Bacri devant un golden boy arrogant mais inculte) et surtout Valeria Golino, incarnant un ancien amour d'adolescence dans la plus belle séquence du film ("quand ça veut pas, ça veut pas") malheureusement sous-exploitée.
Trois courtes séquences qui viennent sauver le film de l'ennui donc (le pire étant la disgression sans intérêt sur le navigateur des années 1960). C'est un peu comme si Michel Leclerc avait fait Le nom des gens en ne gardant que les séquences tristes avec Gamblin et en soustrayant toute la folie jubilatoire autour du personnage de Sarah Forestier qui donnait au film un équilibre parfait.. Est-ce du à l'absence de sa co-scénariste Baya Kasmi parti faire son propre film (Je suis à vous tout de suite ) ?

The Search (2014)

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The Search (2014)

Difficile de reconnaître la paternité de Michel Hazanavicius dans cette réalisation tant le film constitue un tournant (ou un ovni, l'avenir nous le dira) dans la filmographie du cinéaste.
La patte Hazanavicius, c'est surtout son audace et sa liberté. En l’occurrence, il est comme un joueur de Casino, ayant touché le jackpot sur un coup de dés et qui décide de remettre ses gains en jeu pour tenter un coup impossible pendant qu'il a la main : une production française de 22 millions en trois langues sur un conflit dont tout le monde se moque(la guerre de Tchétchénie de 1999), un film de guerre réaliste, sans patriotisme, sans héros, juste sale. 
La réalisation ne fait pas dans l'esbroufe, ce qui compte ce sont vraiment les personnages. Sur ce point, c'est une réussite qui s'évertue à montrer les ravages de cette guerre, tant sur les victimes que sur les bourreaux à travers la lente descente aux enfers d'un jeune russe arrêté dans la rue pour avoir fumé un joint et contraint pour éviter la prison de s’enrôler dans l'armée et de partir pour ces "opérations anti-terroristes" comme l'ONU les a qualifiées. Peu à peu il se transforme en monstre. Il y a quelque-chose de Full Metal Jacket (une scène est d'ailleurs sans équivoque sur cette parenté) dans ce segment du film un peu coupé en deux. En parallèle, nous suivons l'histoire d'un petit garçon fuyant le front et qui fini par être recueilli en ville par Carole, une chargée de mission pour l'Union européenne. C'est dans la relation entre Hadji, le gamin longtemps muet mais vraiment touchant et le personnage de Bérénice Bejo que le film emporte l'adhésion. Depuis The Artist, l'actrice a atteint une puissance de jeu supérieure. Il faut dire qu'il faut qu'elle assure face au jeune Abdul Khalim Mamatsuiev saisissant de naturel et d'intensité. C'est dans la direction d'acteur que Michel Hazanavicius se bonifie à chaque film. Vivement le prochain.

http://www.festival-cannes.com/assets/I ... 0cc93c.pdf

mardi 5 avril 2016

Virages / Winning (1969)

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Virages / Winning (1969)

Ce film de James Goldstone est assez étonnant. On aura rarement vu un film de courses aussi calme, à l'opposé des autres films du genre remplis de bruits de moteur et de musiques de circonstance. Là le spectateur est pris à contrepied, les scènes de courses sont plutôt courtes (hormis la dernière) et les scènes hors piste sont souvent silencieuses, sans musique, sans bruit de moteur, même les dialogues sont réduits à l'essentiel. Contrairement à ce que la jaquette du dvd laisse augurer, la course est donc reléguée au second plan. L'intrigue se porte principalement sur la tentative du personnage de Paul Newman, Frank Capua, pilote vedette participant aux 500 miles d'Indianapolis, de concilier carrière et vie sentimentale. "Gagner" sur la piste ne lui suffit plus, il veut gagner en-dehors, avoir des perspectives de vie au-delà du volant de course comme il le dit lui même au cours du film. Totalement pris par son travail, les courses et la mécanique, il tente de construire une famille malgré tout, épousant Elora (Joanne Woodward) une femme divorcée et mère d'un adolescent de 16 ans qu'il adopte et pour lequel il se prend rapidement d'affection. Mais la course l'accapare tellement que sa femme se sent rapidement délaissée..
A propos du personnage joué par Woodward, il est étonnant de constater qu'il est pratiquement dans le prolongement de celui qu'elle venait tout juste de quitter de Rachel, Rachel, celui d'une vieille fille toujours sous l'emprise de sa mère qui cherchait à trouver un sens à sa vie dans une petite ville de l'Amérique profonde. Une réplique du film semble d'ailleurs faire écho à cela, lorsqu'Elora/Joanne Woodward déclare au moment de rejoindre Paul Newman que sa mère la traite encore comme une petite fille.

Comme c'est souvent le cas avec Newman, le film repose principalement sur le charme de l'acteur. Et quand il est face à Joanne Woodward, c'est peut-être encore plus marquant. D'ailleurs, on a vite l'impression de voir les deux acteurs et non leurs personnages à l'écran. On s'imagine qu'ils nous livrent une petite partie de leur intimité, que ce qu'il nous raconte fait peut-être écho à leur vie de couple.
Le réalisateur James Goldstone ne s'y trompe pas, s'appuyant sur leurs échanges de regards tant dans les scènes de séduction que dans les scènes de crise conjuguale. Un regard intense et silencieux vaut mieux qu'un long discours. Il parait que Tarantino déteste le film.. pas vraiment étonnant : peu de dialogues, un scénario extrêmement simple et un suspense aussi dense que dans un film d'Elvis Presley. 

Ce sentiment de voir Paul Newman à l'écran est amplifié par la vie de la star. C'est à l'occasion du tournage de Virages que Newman a découvert la compétition automobile en 1968. Tombé amoureux de ce sport, il met alors à profit son aisance financière pour entamer parallèlement à sa carrière d'acteur une carrière de pilote de course. Compte tenu de son âge, Newman ne peut évidemment pas viser les sommets, mais il parvient tout de même à décrocher la deuxième place des 24 heures du Mans 1979 en équipage avec Rolf Stommelen et Dick Barbour sur une Porsche 935 du Dick Barbour Racing.

En 1995, Paul Newman remporte aussi une victoire de catégorie à l'occasion des 24 heures de Daytona (3e au classement général sur Ford Mustang, après une 5e place en 1977 sur Ferrari 365 GTB). La passion de Paul Newman pour la course se matérialise également en 1978 par la création d'une écurie de CanAm, le Newman Racing, puis en 1983 d'une écurie. En 2005, à plus de 80 ans, Newman a même repris le volant lors des 24 heures de Daytona en compagnie de ses pilotes Sébastien Bourdais et Bruno Junqueira.


A propos du dvd zone 2, une mauvaise nouvelle : oui ça existe encore des dvds avec version française et version originale non sous-titrée. Il faudra donc choisir entre la VF (le doublage de Newman est pas mal cela dit, ce n'est malheureusement aussi bien pour sa femme) et la V.O. pure. Mais compte tenu de la faiblesse de l'intrigue, c'est jouable.. Dommage car l'image est plutôt belle.

lundi 4 avril 2016

Du haut de la terrasse (1960)

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Du haut de la terrasse (1960)

Gros plaisir coupable devant ce From the terrace, mélo réalisé par Mark Robson en DeLuxe Color et troisième film du couple Paul Newman/Joanne Woodward avec également la fragile Ina Balin (qui reçut une nomination aux Globes pour le film) ainsi que Myrna Loy, vieillie mais reconnaissable au premier coup d’œil et irrésistible (dans le sens affectif du terme). Quelle excellente idée que de lui avoir fait jouer la mère de Paul Newman ! Leur parenté artistique est évidente à l'écran. En peu de scènes, Myrna Loy marque les esprits par sa composition d'une mère alcoolique qui n'ose plus regarder son fils dans les yeux.

Le scénario est adapté d'un roman de John O'Hara qui s'était fait une spécialité des histoires "mondaines" (Butterfield 8Pal Joey sont également tirés de ses écrits). 
J'ai retrouvé dans ce film des thématiques et une ambiance qui m'ont fait beaucoup pensé à La Fièvre dans le sang de Kazan sorti quelques mois après. Le poids des conventions sociales, le patriarcat et la confrontation avec le père, les choix de vie, les sacrifices, la course à la réussite sociale.. En cette fin des années 50, Paul Newman semble être abonné aux rôles de jeunes héritiers de la bourgeoisie américaine (du Sud dans La chatte sur un toit brulant ou de Philadelphie comme le Tony Lawrence de "The Young Philadelphians" et le Alfred Eaton de From the terrace. Ce dernier est un opportuniste issu de la moyenne bourgeoisie de Philadelphie, consummé par la soif de réussite et le désir de surpasser le père, objectif promis à la jeunesse en cet après-guerre où le rêve américain est offert à tous.
C'est un personnage attachant car il est à la fois ambitieux mais sans illusion et si c'est un opportuniste, ce n'est pas un arriviste prêt à tout. Sa rencontre avec Mary St. John alias Joanne Woodward lui ouvre les portes du grand monde mais ses sentiments semblent non faints. On aime Newman ou pas et à ce titre ceux qui ne sont pas fans de l'acteur pourront trouver son jeu un peu toujours le même et maniéré (La chatte sur un toit brulant) dans ces années là. Ce n'est pas mon cas.
Quant à Joanne Woodward, je trouve que c'est une actrice qu'on apprécie progressivement (c'est le cas pour moi quoiqu'il en soit), n'ayant pas le physique ravageur de ces concurrentes de l'époque. Ici en héritière délaissée par son mari trop occupé par les exigences de sa carrière, elle est vraiment parfaite. On a à la fois de l'empathie malgré son manque de compassion et son égocentrisme de fille à papa trop gâtée par la vie.

Bien entendu, les scènes entre Newman et Woodward profitent de l'alchimie du couple. C'est un grand plaisir de les voir tant dans les scènes de séduction (la première, sur la terrasse, est délectable, Newman ayant une façon bien à lui pour conquérir la demoiselle) que dans les scènes de ménage. En revanche la mise en scène de Robson ne brille pas pour les scènes de romance avec la gentille et quelque-peu transparente Ina Balin, mais cette transparence relative ne déssert pas le récit, bien au contraire. 

A signaler également une belle musique romantique de Elmer Bernstein.


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vendredi 12 février 2016

La bonne Tisane (1958)

A toute épreuve


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La bonne Tisane (1958)


Réalisation : Hervé Bromberger
Scénario : Hervé Bromberger, Jacques Sigurd, Louis Duchesne d'après le roman éponyme de John Amila



Le premier plan s'ouvrant sur un Bertrand Blier (Lecomte, truand notoire), visage sombre et de retour au pays après deux ans de cavale à Rio est trompeur. Ses anciens collègue du crime organisé l'ont enterré un peu trop vite et il est bien décidé à le leur faire savoir. Mais dès son arrivée à l'aéroport et les retrouvailles avec sa femme (Madeleine Robinson), le ton tourne rapidement à la comédie. C'est alors un festival de Bertrand Blier auquel on assiste, l'acteur s'en donnant à coeur joie grâce à des répliques gratinées qui font tout l'intéret du film. Pas sûr que c'était bien l'intention de départ de Bromberger, mais le film vire à la parodie. C'est presque du Lautner avant l'heure.

La bonne Tisane est un film hybride et bancale comme s'il était le fruit de la fusion de deux scripts.
Le premier étant un polar lorgnant vers la comédie policière façon Tontons flingueurs.
Le second étant un mauvais épisode de Grey's anatomy avec une Estella Blain aux seins qui pointent dans sa tenue d'infirmière trop serrée, essayant d'échapper aux griffes d'internes vicelards, en particulier de Raymond Pellegrin à qui elle finira par céder. La libération de la femme c'est pour demain.

La dernière séquence lorsque Blier est à l'hopital permet de fusionner les deux histoires mais tourne au grand guignol lorsque Blier, increvable tire sur tout ce qui bouge dans la cour de l'hopital. Cette fin des années 50 constitue probablement un tournant dans la carrière de Bernard Blier qui altèrne dès lors rôles dramatiques et rôles semi ou totalement parodiques. Dans le genre, Madeleine Robinson ne se débrouille pas mal non plus. Bref c'est uniquement un film de numéros d'acteurs et à vrai dire on ne s'ennuie jamais.

A noter une apparition de deux secondes, le temps d'une porte qui s'entrouvre, de Stéphane Audran sur les genoux du médecin lubrique Jacques Fabbri (célèbre Schulmeister, l'espion de l'empereur).

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Toi... le venin (1958)

Une offre qu'il ne pouvait pas refuser..


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Toi... le venin (1958)


Réalisation : Robert Hossein
Adaptation de Frédéric Dard
Avec : Robert Hossein, Marina Vlady, Odile Versois

Sur une route niçoise, une conductrice à le chevelure blonde invite Pierre Menda à prendre place. L'homme accepte et s'ensuit un moment intime entre eux deux avant que la jeune femme ne le rejette violemment du véhicule. Plus tard, Pierre se met à la recherche de son amante éphémère et découvre deux sœurs presque jumelles dont l'une est paralysée et l'autre nie quitter le domicile en soirée.

On serait tenté de dire à tort que cette réalisation de Robert Hossein a des faux airs de Les félins de René Clément, avec son huit-clos autour d'un personnage masculin pris entre les griffes de deux superbes femmes, mais ce serait une injustice puisque Toi le venin lui est antérieur de six ans.
D'autant plus que la mise en scène est particulièrement soignée, bénéficiant d'une belle photo noir et blanc, d'effets de transition délicats (balayage horizontale façon ..Star Wars, fondue enchaînée au travers d'un disque vinyl...), de plans subjectifs et d'une esthétique héritée du film noir, d'un dénouement ironique à la Hitchcock et d'une musique jazzy utilisée avec parcimonie.
En revanche, on peut légitimement penser à d'autres films américains, comme The Dark Mirror mettant en scène une enquête autour de deux sœurs rivales interprétées par Olivia de Havilland, et pourquoi pas à Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? postérieur au film d'Hossein.



Malheureusement l'intrigue est bien faiblarde (même pas un petit meurtre à l'horizon) et les situations manquent de crédibilité aussi. Si l'argument de départ devait passer dans un roman de gare, il est difficile à l'écran d'avaler que le personnage joué par Robert Hossein n'ai jamais vu ni reconnu ensuite le visage de son amante d'un soir. Tout comme apparait incongru et précipité son amour déclaré pour l'une des deux sœurs. Robert couche avec une femme dans une Cadillac décapotable mais ne voit à aucun moment son visage. Comble de l'incongru, celle-ci le somme, revolver à la main, de déguerpir sitôt la séance de galipettes terminée. Elle manque même de l'écraser (volontairement) en partant.

Davantage qu'un vrai polar, le film est davantage un drame psychologique avec mystère à éclaircir, un whodunit inoffensif et sexy que nous a concocté Robert Hossein à l'occasion d'un tournage en famille puisque Marina Vlady (remarquable) était son épouse et que Odile Versois (la Isabelle de Ferrussac pour qui Cartouche perdait la tête dans le film de de Broca au grand dam de Claudia Cardinale) était l'une des trois sœurs ainées de Marina (les sœurs de Poliakoff étaient filles excusez du peu d'un chanteur d'opéra et d'une danseuse étoile émigrés, et portaient toutes un pseudo en « V » en rappel du V de la victoire de 1945). Robert Hossein et Marina Vlady tourneront encore ensemble un an plus tard dans La sentence de Jean Valère en 1959.


Pour les amateurs de photos :

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Je suis à vous tout de suite (2015)

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Je suis à vous tout de suite (2015)

Réalisé en par Baya Kasmi
Avec Vimala Pons , Ramzi, Agnes Jaoui, Bruno Podalydès, Christophe Paou, Zinedine Soualem, Carole Franck, Claudia Tagbo, Anémone, Camélia Jordana, Laurent Capelluto..

Co-scénariste du Nom des gens de Michel ­Leclerc (mais aussi d'Hippocrate et de La vie très privée de Monsieur Sim), Baya Kasmi creuse son sillon et met une nouvelle fois les pieds dans le plat. Ce film singulier est la meilleure réponse aux médisants qui prétendent ici et ailleurs que le cinéma français contemporain aurait moins de liberté et moins d'audace que celui d'hier et qu'il ne serait pas suffisamment ancré dans son époque.

A l'instar du superbe Nom des gens, Je suis à vous tout de suite est à la fois humaniste et gonflé. Baya Kasmi y dit beaucoup de choses sur une France minée par le communautarisme, l'individualisme et les préjugés, sur la crise identitaire, le sexisme, les cases dans lesquelles les gens veulent vous faire rentrer.

La famille Belkacem est le prétexte pour aborder ces sujets difficiles. C'est une famille très proche de l'une des deux familles du Nom des gens. Vimala Pons, par sa sexualité décomplexée et sa fraîcheur bien connu des cinéphiles maintenant, n'est pas très éloignée du personnage fantasque de Sara Forestier dans le film de Michel Leclerc. Forestier couchait avec des hommes pour les convaincre de voter à gauche, Vimala Pons couche pour les consoler de leurs tracas (DRH, elle passe à la casserole à chaque fois qu'elle doit licencier un employé). Ramzi reprend pratiquement à l'identique le personnage du père de famille serviable et d’une gentillesse excessive joué précédemment par Zinedine Soualem (ce dernier revient ici en gérant d'un magasin hallal dans une scène qui donne l'occasion de se moquer des excès ridicules de la pratique) tandis qu'Agnès Jaoui reprend celui de la mère gauchiste précédemment incarné par Carole Franck dans Le nom des gens. Tous ne sont pas là par hasard. Le cinéma de Leclerc et Kasmi s'inscrit dans la lignée de celui de Bacri/Jaoui : un cinéma qui ambitionne de dire des choses tout en restant drôle.
Le casting est riche de petits rôles savoureux. Claudia Tagbo en prostituée, Bruno Podalydès en employé licencié, Anémone en grand-mère fauchée qui fume des joints et tape sa fille et son petit-fils, Christophe Paou une nouvelle fois la bite à l'air en clin d’œil à L'inconnu du lac) ..

Un mot sur Ramzi qui, loin de ses pitreries habituelles avec Eric Judor, confirme après une tentative en 2011 (Des vents contraires de Jalil Lespert) qu'il a le potentiel pour jouer de beaux personnages dramatiques. Il n'a jamais été aussi touchant qu'ici, plein d'humanité et de tendresse. Ramzi, héritier insoupçonné de Bourvil ? La suite nous le dira.

Meh

Quelques réserves tout de même. Le film n'est pas tout à fait aussi abouti que son désormais illustre prédécesseur en dépit de son casting impeccable. S'il dit beaucoup de choses, il peine à développer une véritable intrigue. Le film avance par introspection dans la vérité et le passé des personnages davantage que par leurs actions. Cela fonctionne grâce à une structure en flashbacks (alternance de scènes de l'enfance et de l'adolescence avec le contemporain) réussie mais qui par contrecoup donne une impression statique. En outre, peut-être à cause de son abondance de personnages, il manque un peu de véracité et de profondeur dans les rapports familiaux (entre Ramzi et Agnes Jaoui par exemple, on ne sent particulièrement de complicité).

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Mal vendu comme une comédie avec son affiche calquée sur tant de précédentes (celle de euh.. Pour mériter ça.. non Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? ou de Il reste du jambon ?), Je suis à vous tout de suite ne déclenche pas des crises de rire. Quelques scènes font sourire par l'incongruité ou l'absurdité des situations mais c'est on sent à chaque instant, derrière la tendresse et la fausse légèreté apparente, le poids d'un climat sociétal difficile, celui de la France de 2015 et de ses banlieues.

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mardi 9 février 2016

Films noirs, sans domicile fixe : Gambling House (1950)

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Gambling House (1950)

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Réalisation: Ted Tetzlaff
Scenario : Marvin Borowsky, Allen Rivkin
Avec : Victor Mature, Terry Moore, William Bendix

Le gangster Joe Farrow (William Bendix) a commis un meurtre mais élabore un plan pour ne pas être condamné : il offre 50 000 dollars à Marc Furry (Victor Mature) pour se déclarer coupable à sa place et promet qu'il se présentera comme témoin d'un acte de légitime defense.
Marc Fury accepte le marché et plaide donc la légitime défense. Mais le plan ne se déroule pas sans accroc : l'immigration lui met le grappin dessus à la sortie du tribunal. Fury s'appelle en réalité Furioni et n'a pas de papiers car il n'a jamais obtenu la nationalité américaine. S'il est acquitté, il devra retourner en Italie, ce qu'il ne veut absolument pas...

Cette production RKO démarre bien et l'amateur s'attend alors à un petit noir bien serré avec meurtre et embrouilles tordues. Mais on déchante rapidement sur ce plan, le film déviant peu à peu vers le plaidoyer patriotique et la repentance d'un immigré qui a fait beaucoup de bêtises de jeunesse mais qui souhaite avoir une nouvelle chance. Néanmoins le film reste intéressant et sympathique.
Non seulement, Marc Fury/Victor Mature ne veut pas être expulsé car il aime son pays l'Amérique mais il entame au même moment une relation amoureuse avec la très gentille Lynn (Terry Moore, physiquement oscillant entre quelconque et craquante selon les prises de vue, on reverra l'actrice chez Henry Levin dans Two of a Kind ainsi que dans Papa longues jambes aux côtés de Leslie Caron et dans plusieurs westerns).
Victor Mature est évidemment idéal et convaincant pour ce rôle d'italo-américain rusé mais mal dans sa peau, tentant de s'extraire d'un passé en marge de la loi.


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Films noirs, sans domicile fixe : Smart Money (1931)

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Smart Money (1931)


Réalisation : Alfred E. Green
Scénario : Lucien Hubbard et Joseph Jackson (Oscar 1931 de la meilleure histoire originale)
Avec : Edward G. Robinson, James Cagney, Evalyn Knapp

Genre : gangster movie

L'argument : "Nick the Barber" alias Nick Venezelos est un barbier immigré grec qui aime le jeu, les cigares mais qui a une grosse faiblesse pour les blondes. Après s'être fait arnaqué de 10 000 $ à une table clandestine, il apprend très vite de ses erreurs et réussit à prendre sa revanche en arnaquant ses arnaqueurs, devennant rapidement un petit caïd, aidé de son ami Jack mais desormais dans le viseur du district attorney..


Edward G. Robinson et James Cagney sont réunis pour la première et unique occasion dans ce film de gangsters de la Warner au ton plus léger que celui des Little Caesar et The Public Enemy sortis la même année et qui lancèrent définitivement les deux stars éternelles du film de gangster.
C'est bien dommage que le duo n'ai pas été reconduit car leur collaboration fonctionne très bien, contrairement à ce qu'on aurait pu imaginer. Mais il y a une raison à cela : au moment du tournage, Cagney n'était pas une star du même calibre que Robinson, pour la bonne raison que The Public Enemy n'était pas encore sorti, devancé de quelques mois par le Little Caesar de Robinson. Il sera distribué en salle peu avant la sortie de Smart Money.
C'est donc bien G. Robinson l'unique star du film et Cagney n'a qu'un rôle secondaire. Si le film avait été réalisé quelques mois après, il aurait été bien different. On aurait sans doute eu droit alors à une sorte de Borsalino américain mettant face à face les deux caïds d'Hollywood avec un temps de présence et une mise en valeur soigneusement répartis.
A noter qu'il y a aussi Boris Karloff qui fait une courte apparition non créditée dans le rôle d'un souteneur, adversaire de jeu de Robinson. Il est étonnant de constater que ce film réunit alors trois stars à l'aube de leur carrière en cette même année 1931 : Frankenstein vs Le petit César & L'ennemi public!

C'est techniquement un film pré-code, c'est à dire avant la stricte application du code Hays. G. Robinson/Nick se voit proposer par une blonde du sexe en guise de remboursement de dette. Cagney, plus hargneux, n'hésite pas à bousculer les dames quand il le juge nécessaire. Leurs personnages sont toutefois bien beaucoup plus fréquentables que dans les films qui les ont rendu célèbres. Certes Robinson est un petit caïd mais il se soucie de son image et veut être aimé ; il qui s'avère plutôt sympathique et souvent trop gentil, voire un peu poire, en particulier avec les jeunes femmes blondes. Dès 1934, selon le code, aucune sympathie ne pourra être accordée aux gangsters qui violent la loi ni aux femmes déchues qui les accompagnent. Les caïds seront dès lors des dures égocentriques et impitoyables.

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lundi 4 janvier 2016

Films noirs, sans domicile fixe : Among the Living (1941)

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Among the Living (1941)


Réalisation : Stuart Heisler
Scénario : Lester Cole (auteur de None Shall Escape et Aventures en Birmanie)
Avec : Albert Dekker, Susan Hayward, Frances Farmer, Harry Carey


Among the Living (1941) est un film qui mélange des thématiques du film d'horreur (le double jumeau comme dans The Black Room / Le baron Gregor (1935) avec Boris Karloff ou le double maléfique comme dans Dr Jekill & Mister Hyde ou Le masque de fer) et du film noir.

Le film s"ouvre sur les funérailles du père de John Raden à l'issue desquelles ce dernier apprend que son frère jumeau Paul, déclaré mort depuis 25 ans, vit toujours, comme un animal, enfermé dans la maison familiale. Paul est mentalement dérangé depuis qu'il a été témoin tout jeune des maltraitances physiques subit par sa mère.
C'est alors que Paul s'évade et découvre le monde civilisé tel le monstre de Frankenstein, à la fois innocent et imprévisible...

L'argument de départ est grossier et le début du film est de fait à la limite du grotesque. la psychologie est sommaire et on craint le pire devant cette histoire de jumeau caché un peu almabiquée. Et pourtant le film prend rapidement dès qu'il dérive vers le film noir aux accents social (on ressent encore les restes de la grande dépression, ce n'est pas l'Amérique capitaliste triomphante qui est dépeinte ici) et "horrifique" de Val Lewton.
Et surtout le Fritz Lang de M le maudit ou Fury n'est pas loin non plus.

Paul Raden, pas pédophile mais sérieusement détraquée quand même et surtout incontrôlable, se retrouvant la cible d'une chasse à l'homme collective.
Il faut avouer que ce sont surtout les scènes avec une toute jeune Susan Hayward, délicieusement profiteuse, qui valent le coup d’œil. Elle a d'abord l'air d'un ange, incarnant une pauvre et gentille fille du peuple, Millie, pas gâtée par la vie et travaillant dans la pension tenue par sa mère. Paul Raden trouvant refuge dans la pension, tombe sous son charme et va la couvrir de cadeaux, tel un gamin amoureux qui aurait volé de l'argent à ses parents et le dépenserait pour se faire aimer de la plus belle fille de l'école. Elle ne demandait rien mais ne se fera pas prier longtemps pour profiter de la naïveté primaire de son protecteur amoureux en se faisant payer robes et autres bricoles .. Elle fera pire par la suite, révélant alors pleinement son caractère vénale et son ingratitude. Ce rôle à la fois sexy et dramatique permit à Susan Hayward (après avoir été remarqué en 1939 dans Beau Geste) de franchir un grand pas vers les sommets d'Hollywood ; sa carrière était bien lancée desormais.

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Albert Dekker joue le double rôle des jumeaux, rasé ou mal rasé (et regard de dingue à la Martin Riggs) pour reconnaître les deux frères. Le rôle était casse-gueule mais il s'en sort bien (sans doute le rôle de sa vie), en particulier dans le rôle du frère dérangé qu'il arrive à rendre presque attachant (en tous cas on a de la peine pour lui) à l'instar de Peter Lorre dans M le maudit.

On retrouve également au casting ce bon vieux Harry Carey (qui délaisse le western et Capra pour l'occasion) dans le rôle ambigu du docteur qui a caché la mort du frère jumeau en faisant une fausse déclaration de décès, se faisant complice du triste sort de Paul, et la belle Frances Farmer (l'une des plus belles femmes de l'époque) malheureusement ici sous-exploitée dans un rôle insignifiant, celui de la femme de John Raden dont la scène principale se résume à la voir crier de terreur rendant d'autant plus violent le jumeau maudit. Ceux qui connaissent sa tragédie personnelle ou qui ont vu le film Frances avec Jessica Lange verront peut-être en cela la conséquence de son état ou bien une punition des studios pour avoir voulu s'émanciper au théatre à Broadway. Dès 1939, sa carrière avait commencé à pâtir de sa mauvaise réputation (alcoolisme, etc) et en dépit de sa performance en Calamity Jane dans le Western The Badlands of Dakota, elle était reléguée aux rôles de second plan. Elle refusa pourtant un grand rôle à Broadway (dans Clash by Night) afin de relancer sa carrière à Hollywood.

Le film est court et le rythme enlevé, ce film hybride entre le noir et l'horreur (photographie poisseuse à l'appui) plaiera aux amateurs de films secs à petit budget. Le réalisateur Stuart Heisler récidivera dans le film noir dès l'année suivante avec une adaptation de Hammett : The Glass Key (1942).

Chaudement recommandé aux fans de Susan Hayward (dont je suis bien entendu), ici plus craquante que jamais (que des plans plutôt osés pour l'époque mettent bien en valeur, notamment un accrochage de jarretelles), faisant alors ses gammes dans un rôle de baby femme fatale.

En 1946, The Dark Mirror de Robert Siodmak (avec Olivia De Haviland) reprendra cette thématique du double mauvais.

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Pour finir, un extrait savoureux de dialogue alors que Paul Raden boit un verre avec une fille au bar (jouée par Jean Phillips) et lui dit naïvement et ouvertement qu'il préfererait être avec Millie/Susan Hayward :

Jean Phillips / Fille du bar : “Well, thanks for the drink. Bring Millie in sometime and we’ll all go over to my place and bake a cake.”
Dekker/Paul Raden : “Oh, I’d like that!”
Jean Phillips / Fille du bar : “Don’t be a dope.”

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