vendredi 12 février 2016

La bonne Tisane (1958)

A toute épreuve


Image


La bonne Tisane (1958)


Réalisation : Hervé Bromberger
Scénario : Hervé Bromberger, Jacques Sigurd, Louis Duchesne d'après le roman éponyme de John Amila



Le premier plan s'ouvrant sur un Bertrand Blier (Lecomte, truand notoire), visage sombre et de retour au pays après deux ans de cavale à Rio est trompeur. Ses anciens collègue du crime organisé l'ont enterré un peu trop vite et il est bien décidé à le leur faire savoir. Mais dès son arrivée à l'aéroport et les retrouvailles avec sa femme (Madeleine Robinson), le ton tourne rapidement à la comédie. C'est alors un festival de Bertrand Blier auquel on assiste, l'acteur s'en donnant à coeur joie grâce à des répliques gratinées qui font tout l'intéret du film. Pas sûr que c'était bien l'intention de départ de Bromberger, mais le film vire à la parodie. C'est presque du Lautner avant l'heure.

La bonne Tisane est un film hybride et bancale comme s'il était le fruit de la fusion de deux scripts.
Le premier étant un polar lorgnant vers la comédie policière façon Tontons flingueurs.
Le second étant un mauvais épisode de Grey's anatomy avec une Estella Blain aux seins qui pointent dans sa tenue d'infirmière trop serrée, essayant d'échapper aux griffes d'internes vicelards, en particulier de Raymond Pellegrin à qui elle finira par céder. La libération de la femme c'est pour demain.

La dernière séquence lorsque Blier est à l'hopital permet de fusionner les deux histoires mais tourne au grand guignol lorsque Blier, increvable tire sur tout ce qui bouge dans la cour de l'hopital. Cette fin des années 50 constitue probablement un tournant dans la carrière de Bernard Blier qui altèrne dès lors rôles dramatiques et rôles semi ou totalement parodiques. Dans le genre, Madeleine Robinson ne se débrouille pas mal non plus. Bref c'est uniquement un film de numéros d'acteurs et à vrai dire on ne s'ennuie jamais.

A noter une apparition de deux secondes, le temps d'une porte qui s'entrouvre, de Stéphane Audran sur les genoux du médecin lubrique Jacques Fabbri (célèbre Schulmeister, l'espion de l'empereur).

Image

Image
ImageImage

Toi... le venin (1958)

Une offre qu'il ne pouvait pas refuser..


Image


Toi... le venin (1958)


Réalisation : Robert Hossein
Adaptation de Frédéric Dard
Avec : Robert Hossein, Marina Vlady, Odile Versois

Sur une route niçoise, une conductrice à le chevelure blonde invite Pierre Menda à prendre place. L'homme accepte et s'ensuit un moment intime entre eux deux avant que la jeune femme ne le rejette violemment du véhicule. Plus tard, Pierre se met à la recherche de son amante éphémère et découvre deux sœurs presque jumelles dont l'une est paralysée et l'autre nie quitter le domicile en soirée.

On serait tenté de dire à tort que cette réalisation de Robert Hossein a des faux airs de Les félins de René Clément, avec son huit-clos autour d'un personnage masculin pris entre les griffes de deux superbes femmes, mais ce serait une injustice puisque Toi le venin lui est antérieur de six ans.
D'autant plus que la mise en scène est particulièrement soignée, bénéficiant d'une belle photo noir et blanc, d'effets de transition délicats (balayage horizontale façon ..Star Wars, fondue enchaînée au travers d'un disque vinyl...), de plans subjectifs et d'une esthétique héritée du film noir, d'un dénouement ironique à la Hitchcock et d'une musique jazzy utilisée avec parcimonie.
En revanche, on peut légitimement penser à d'autres films américains, comme The Dark Mirror mettant en scène une enquête autour de deux sœurs rivales interprétées par Olivia de Havilland, et pourquoi pas à Qu'est-il arrivé à Baby Jane ? postérieur au film d'Hossein.



Malheureusement l'intrigue est bien faiblarde (même pas un petit meurtre à l'horizon) et les situations manquent de crédibilité aussi. Si l'argument de départ devait passer dans un roman de gare, il est difficile à l'écran d'avaler que le personnage joué par Robert Hossein n'ai jamais vu ni reconnu ensuite le visage de son amante d'un soir. Tout comme apparait incongru et précipité son amour déclaré pour l'une des deux sœurs. Robert couche avec une femme dans une Cadillac décapotable mais ne voit à aucun moment son visage. Comble de l'incongru, celle-ci le somme, revolver à la main, de déguerpir sitôt la séance de galipettes terminée. Elle manque même de l'écraser (volontairement) en partant.

Davantage qu'un vrai polar, le film est davantage un drame psychologique avec mystère à éclaircir, un whodunit inoffensif et sexy que nous a concocté Robert Hossein à l'occasion d'un tournage en famille puisque Marina Vlady (remarquable) était son épouse et que Odile Versois (la Isabelle de Ferrussac pour qui Cartouche perdait la tête dans le film de de Broca au grand dam de Claudia Cardinale) était l'une des trois sœurs ainées de Marina (les sœurs de Poliakoff étaient filles excusez du peu d'un chanteur d'opéra et d'une danseuse étoile émigrés, et portaient toutes un pseudo en « V » en rappel du V de la victoire de 1945). Robert Hossein et Marina Vlady tourneront encore ensemble un an plus tard dans La sentence de Jean Valère en 1959.


Pour les amateurs de photos :

Image
Image
Image
Image
Image
Image
Image

Je suis à vous tout de suite (2015)

Image

Je suis à vous tout de suite (2015)

Réalisé en par Baya Kasmi
Avec Vimala Pons , Ramzi, Agnes Jaoui, Bruno Podalydès, Christophe Paou, Zinedine Soualem, Carole Franck, Claudia Tagbo, Anémone, Camélia Jordana, Laurent Capelluto..

Co-scénariste du Nom des gens de Michel ­Leclerc (mais aussi d'Hippocrate et de La vie très privée de Monsieur Sim), Baya Kasmi creuse son sillon et met une nouvelle fois les pieds dans le plat. Ce film singulier est la meilleure réponse aux médisants qui prétendent ici et ailleurs que le cinéma français contemporain aurait moins de liberté et moins d'audace que celui d'hier et qu'il ne serait pas suffisamment ancré dans son époque.

A l'instar du superbe Nom des gens, Je suis à vous tout de suite est à la fois humaniste et gonflé. Baya Kasmi y dit beaucoup de choses sur une France minée par le communautarisme, l'individualisme et les préjugés, sur la crise identitaire, le sexisme, les cases dans lesquelles les gens veulent vous faire rentrer.

La famille Belkacem est le prétexte pour aborder ces sujets difficiles. C'est une famille très proche de l'une des deux familles du Nom des gens. Vimala Pons, par sa sexualité décomplexée et sa fraîcheur bien connu des cinéphiles maintenant, n'est pas très éloignée du personnage fantasque de Sara Forestier dans le film de Michel Leclerc. Forestier couchait avec des hommes pour les convaincre de voter à gauche, Vimala Pons couche pour les consoler de leurs tracas (DRH, elle passe à la casserole à chaque fois qu'elle doit licencier un employé). Ramzi reprend pratiquement à l'identique le personnage du père de famille serviable et d’une gentillesse excessive joué précédemment par Zinedine Soualem (ce dernier revient ici en gérant d'un magasin hallal dans une scène qui donne l'occasion de se moquer des excès ridicules de la pratique) tandis qu'Agnès Jaoui reprend celui de la mère gauchiste précédemment incarné par Carole Franck dans Le nom des gens. Tous ne sont pas là par hasard. Le cinéma de Leclerc et Kasmi s'inscrit dans la lignée de celui de Bacri/Jaoui : un cinéma qui ambitionne de dire des choses tout en restant drôle.
Le casting est riche de petits rôles savoureux. Claudia Tagbo en prostituée, Bruno Podalydès en employé licencié, Anémone en grand-mère fauchée qui fume des joints et tape sa fille et son petit-fils, Christophe Paou une nouvelle fois la bite à l'air en clin d’œil à L'inconnu du lac) ..

Un mot sur Ramzi qui, loin de ses pitreries habituelles avec Eric Judor, confirme après une tentative en 2011 (Des vents contraires de Jalil Lespert) qu'il a le potentiel pour jouer de beaux personnages dramatiques. Il n'a jamais été aussi touchant qu'ici, plein d'humanité et de tendresse. Ramzi, héritier insoupçonné de Bourvil ? La suite nous le dira.

Meh

Quelques réserves tout de même. Le film n'est pas tout à fait aussi abouti que son désormais illustre prédécesseur en dépit de son casting impeccable. S'il dit beaucoup de choses, il peine à développer une véritable intrigue. Le film avance par introspection dans la vérité et le passé des personnages davantage que par leurs actions. Cela fonctionne grâce à une structure en flashbacks (alternance de scènes de l'enfance et de l'adolescence avec le contemporain) réussie mais qui par contrecoup donne une impression statique. En outre, peut-être à cause de son abondance de personnages, il manque un peu de véracité et de profondeur dans les rapports familiaux (entre Ramzi et Agnes Jaoui par exemple, on ne sent particulièrement de complicité).

Image

Mal vendu comme une comédie avec son affiche calquée sur tant de précédentes (celle de euh.. Pour mériter ça.. non Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ? ou de Il reste du jambon ?), Je suis à vous tout de suite ne déclenche pas des crises de rire. Quelques scènes font sourire par l'incongruité ou l'absurdité des situations mais c'est on sent à chaque instant, derrière la tendresse et la fausse légèreté apparente, le poids d'un climat sociétal difficile, celui de la France de 2015 et de ses banlieues.

Image

mardi 9 février 2016

Films noirs, sans domicile fixe : Gambling House (1950)

Image


Gambling House (1950)

Image



Réalisation: Ted Tetzlaff
Scenario : Marvin Borowsky, Allen Rivkin
Avec : Victor Mature, Terry Moore, William Bendix

Le gangster Joe Farrow (William Bendix) a commis un meurtre mais élabore un plan pour ne pas être condamné : il offre 50 000 dollars à Marc Furry (Victor Mature) pour se déclarer coupable à sa place et promet qu'il se présentera comme témoin d'un acte de légitime defense.
Marc Fury accepte le marché et plaide donc la légitime défense. Mais le plan ne se déroule pas sans accroc : l'immigration lui met le grappin dessus à la sortie du tribunal. Fury s'appelle en réalité Furioni et n'a pas de papiers car il n'a jamais obtenu la nationalité américaine. S'il est acquitté, il devra retourner en Italie, ce qu'il ne veut absolument pas...

Cette production RKO démarre bien et l'amateur s'attend alors à un petit noir bien serré avec meurtre et embrouilles tordues. Mais on déchante rapidement sur ce plan, le film déviant peu à peu vers le plaidoyer patriotique et la repentance d'un immigré qui a fait beaucoup de bêtises de jeunesse mais qui souhaite avoir une nouvelle chance. Néanmoins le film reste intéressant et sympathique.
Non seulement, Marc Fury/Victor Mature ne veut pas être expulsé car il aime son pays l'Amérique mais il entame au même moment une relation amoureuse avec la très gentille Lynn (Terry Moore, physiquement oscillant entre quelconque et craquante selon les prises de vue, on reverra l'actrice chez Henry Levin dans Two of a Kind ainsi que dans Papa longues jambes aux côtés de Leslie Caron et dans plusieurs westerns).
Victor Mature est évidemment idéal et convaincant pour ce rôle d'italo-américain rusé mais mal dans sa peau, tentant de s'extraire d'un passé en marge de la loi.


Image

Films noirs, sans domicile fixe : Smart Money (1931)

Image


Smart Money (1931)


Réalisation : Alfred E. Green
Scénario : Lucien Hubbard et Joseph Jackson (Oscar 1931 de la meilleure histoire originale)
Avec : Edward G. Robinson, James Cagney, Evalyn Knapp

Genre : gangster movie

L'argument : "Nick the Barber" alias Nick Venezelos est un barbier immigré grec qui aime le jeu, les cigares mais qui a une grosse faiblesse pour les blondes. Après s'être fait arnaqué de 10 000 $ à une table clandestine, il apprend très vite de ses erreurs et réussit à prendre sa revanche en arnaquant ses arnaqueurs, devennant rapidement un petit caïd, aidé de son ami Jack mais desormais dans le viseur du district attorney..


Edward G. Robinson et James Cagney sont réunis pour la première et unique occasion dans ce film de gangsters de la Warner au ton plus léger que celui des Little Caesar et The Public Enemy sortis la même année et qui lancèrent définitivement les deux stars éternelles du film de gangster.
C'est bien dommage que le duo n'ai pas été reconduit car leur collaboration fonctionne très bien, contrairement à ce qu'on aurait pu imaginer. Mais il y a une raison à cela : au moment du tournage, Cagney n'était pas une star du même calibre que Robinson, pour la bonne raison que The Public Enemy n'était pas encore sorti, devancé de quelques mois par le Little Caesar de Robinson. Il sera distribué en salle peu avant la sortie de Smart Money.
C'est donc bien G. Robinson l'unique star du film et Cagney n'a qu'un rôle secondaire. Si le film avait été réalisé quelques mois après, il aurait été bien different. On aurait sans doute eu droit alors à une sorte de Borsalino américain mettant face à face les deux caïds d'Hollywood avec un temps de présence et une mise en valeur soigneusement répartis.
A noter qu'il y a aussi Boris Karloff qui fait une courte apparition non créditée dans le rôle d'un souteneur, adversaire de jeu de Robinson. Il est étonnant de constater que ce film réunit alors trois stars à l'aube de leur carrière en cette même année 1931 : Frankenstein vs Le petit César & L'ennemi public!

C'est techniquement un film pré-code, c'est à dire avant la stricte application du code Hays. G. Robinson/Nick se voit proposer par une blonde du sexe en guise de remboursement de dette. Cagney, plus hargneux, n'hésite pas à bousculer les dames quand il le juge nécessaire. Leurs personnages sont toutefois bien beaucoup plus fréquentables que dans les films qui les ont rendu célèbres. Certes Robinson est un petit caïd mais il se soucie de son image et veut être aimé ; il qui s'avère plutôt sympathique et souvent trop gentil, voire un peu poire, en particulier avec les jeunes femmes blondes. Dès 1934, selon le code, aucune sympathie ne pourra être accordée aux gangsters qui violent la loi ni aux femmes déchues qui les accompagnent. Les caïds seront dès lors des dures égocentriques et impitoyables.

Image