jeudi 2 février 2017

La La Land (Damien Chazelle - 2017)





"Bienvenue à Hollywood
C'est quoi votre rêve ?
Tout le monde vient ici
Ici c'est Hollywood
Le pays des rêves
Certains rêves se réalisent
Et d'autres pas
Que ça ne vous empêche pas de rêver
Vous êtes à Hollywood
Vous avez le temps
Alors continuez à rêver.."



Voici un film un peu différent de la comédie musicale / feel good movie à laquelle je m'attendais. Car si l'on omet l'épilogue, j'ai trouvé le film très mélancolique, plutôt noir et délicieusement réactionnaire.
Je pense par exemple aux ratées successifs de la relation amoureuse. Passage obligé dans toute comédie romantique, ils semblent ici avoir un sens plus profond sur la difficulté des êtres, spécialement à notre époque, à nouer des liens. Ainsi, soit Emma Stone et Ryan Gosling se rencontrent à chaque fois au pire moment, soit leur flirt classique (façon Ginger & Fred) est interrompue par l'irruption agressive du réel. La magie s'effondre face à la technologie (le téléphone portable en ligne de mire).
Les plus pessimistes pourront considérer que l'histoire réaliste des deux protagonistes se termine avec le renoncement de l'apprentie actrice, découragée et fatiguée par l'humiliation des castings. La suite "c'est du cinéma".. Mais, le film "émeut in-extremis" grâce à cet épilogue euphorique et génial qui emporte tout. Jusqu'au sourire en coin de Gosling, tel-que l'aurait fait Warren Beatty à Nalalie Wood si leur film avait été une comédie musicale et non un drame. Car ce sourire est un sourire complice à la fois au spectateur et entre ex-amants (qui dit à la fois "Je t'ai vu" et "C'est la vie.."). 

Accuser Chazelle de passéisme, c'est exactement ce qu'il fait lui-même avec lucidité.
Il y a une replique du film qui m'a particulièrement frappée, c'est celle avec laquelle Emma Stone reproche a Ryan Gosling de trop s'intéresser à ce qui s'est fait avant 
alors que le jazz est une musique qui va de l'avant ("jazz is about the future.." je crois). 
J'ai vu cette scène comme une auto-critique réaliste et triste de Damien Chazelle. Au delà du jazz, j'ai eu le sentiment qu'il évoquait aussi et surtout son amour du 
cinema classique et la conscience qu'il a de ses propres limites de cinéaste-cinéphile, le sentiment de ne pas être en phase avec un Hollywood qui ne peut pas revenir en arrière et doit aller de l'avant pour survivre.

Sur la forme, j'ai un léger bémol sur l'interprétation que je trouve un peu trop appliqué. Si Emma Stone et Ryan Gosling se défendent correctement dans les parties dansées, ils accusent tout de même la comparaison avec leurs illustres prédécesseurs (Fred Astaire/Gene Kelly, Rita Hayworth/Ginger Rogers..). 
Mais il n'y a pas tant de parties chantées (par les deux protagonistes) que cela : il s'agit d'une demi comédie musicale en fait, loin des tentatives U.S. "récentes" (de Grease à Mamma Mia) ou françaises (Le garçon extraordinaire, Les chansons d'amour..). Les morceaux entraînants du film sont d'ailleurs plus musicales que chantées et la musique qui nous reste en tête après la séance est celle de l'ouverture avec ses chœurs. 
Voilà peut-être ce qui manque au film pour emporter tout : une belle chanson entre les deux acteurs, un futur classique inscrivant le film au panthéon du genre. 
Si le choix du casting d'Emma Stone ne me semble pas indispensable à la réussite du film (d'autres auraient peut-être fait aussi bien ou auraient eu plus de capacités en chant et danse), celui de Ryan Gosling me semble sans équivoque : il a un charme fou (heureusement que Miles Teller - trop moderne- a été écarté à son profit). Il est bien l'héritier des grands charmeurs classiques américains, Newman et Redford en tête.